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Bombardement d'après-midi, par pièces sur tracteurs automobiles, paraît-il.

- Le Courrier de ce jour, nous apprend que le Ministre des Travaux publics, M. Marcel Sembat, est venu hier, visiter la cathédrale.

- Dans sa chronique locale, intitulée Dans Reims, le journal donne aujourd'hui, ce petit aperçu très exact :

"Six heures et demie du soir, en style administratif 18 h 30. La nuit sur Reims étend ses voiles. Une nuit noire, profondément noire, "nox atra" suivant l'expression d'un poète latin. Les dernières caravanes des réfugiés journaliers sur les hauteurs de la Haubette et des environs réintègrent les logis désertés ; on marche silencieux, préoccupés, et l'obscurité où ils se trouvent plongés semble se conformer à leurs tristes pensées.

Et cette obscurité, que coupe ça et là la lueur blafarde projetée par quelques lampe d'une petite boutique dont la porte est à demi-ouverte, laisse comme une impression de froid qui vous étreint et donne un malaise d'ennui et de peut pour quelques-uns.

Vers huit heures, Reims présente l'aspect d'un désert."

Paul Hess dans Reims pendant la guerre de 1914-1918, éd. Anthropos

Tranquille

Cardinal Luçon dans son Journal de la Guerre 1914-1918, éd. Travaux de l’Académie Nationale de Reims

Réception d’une lettre d’Agnès (Épernay 13 8bre) disant la visite reçue de Mr et Mme Charles Coche qui ignoraient tout des infortunes des nôtres ; ces bons amis partagent notre peine et pleurent avec nous celui qui avait su si pleinement conquérir leurs sympathies.

Il n’y aurait rien autre de marquant à l’actif de cette journée si je n’avais pas eu de courrier à jeter à la Poste, provisoirement transférée à l’École communale de la rue Libergier.

Père avait bien voulu se charger de la commission, ne se doutant pas qu’un sifflement trop accentué l’empêcherait de l’accomplir jusqu’au bout. Une bombe passait, en effet, au-dessus de lui pour aller tomber dans le bas de la rue Libergier et y faire deux victimes, et c’est tout émotionné qu’il rétrograda, remettant au lendemain le départ de mes lettres.

Paul Dupuy. Document familial issu de la famille Dupuis-Pérardel-Lescaillon. Marie-Thérèse Pérardel, femme d'André Pérardel, est la fille de Paul Dupuis. Ce témoignage concerne la période  du 1er septembre au 21 novembre 1914.

Source : site de la Ville de Reims, archives municipales et communautaires

Vendredi 16 Octobre 1914.

Hélas mon Charles, cela est bien vrai. J’ai vu M. Dreyer ; il était en colère après la vieille fille parce que comme il dit :

« Je vous l’aurais dit moi-même si j’avais pu vous donner les renseignements voulus. Et comme je ne pouvais rien affirmer, c’est pour cela que je me suis tu. Tout ce que je peux vous dire, c’est ce que vous alliez au café en face rue Gerbault ; c’est de là que cela est venu. Je cours donc jusque là et voici ce que j’apprends. Il y a 3 ou 4 jours, des soldats du 354e sont passés chez nous et disaient entre eux que le caporal Breyer, succursaliste rue de Beine, aurait été blessé légèrement à Dinan, je crois ».

« Mais il n’y a pas été, lui dis-je, puisque les dernières nouvelles datent de Soissons ».

« Ils se seront trompés, me dit-il ».

Je m’en vais chez tes parents. Je leur raconte et ton papa me dit : « Je vais y aller ». Pendant qu’il était parti, je racontai à ta maman qu’elle serait encore une fois grand-mère. Elle aussi m’a consolée. « Prenez courage ma pauvre Juliette. Si Charles n’est pas encore revenu pour ce moment là, nous serons tous là. Et puis je vous conseille une chose : votre maison est grande, votre maman n’en a plus. Quand les Allemands seront partis, que vos parents viennent demeurer avec vous en attendant le retour de Charles. Vous ne serez pas seule et votre mère sera là pour le moment, puisque moi je ne peux rien faire. Je vous offre déjà le lit-cage et tout ce qu’ils auront besoin, c’est d’un bon cœur que nous leur offrirons ». Tu as des bons parents, mon Charles, aussi je les aime bien.

Voilà ton papa qui revient. Il n’a pas eu les mêmes nouvelles que moi. Il aurait dit que tu étais blessé à la tête à Beaumont sur Meuse, mais je vois que ton papa me cache quelque chose. Mon cauchemar de l’autre nuit se serait donc réalisé. Tu serais blessé et soigné loin de moi. Pauvre Lou, que tu dois te trouver malheureux. Si seulement je savais où tu es. Mais rien.

Je veux quand même garder mon courage car dans tout cela s’il y a du vrai, il y a du faux aussi puisque rien ne concorde. En attendant, ma pauvre chipette, ta petite femme est bien malheureuse.

Si seulement les Allemands étaient partis d’autour de Reims ! Les nouvelles nous arriveraient peut-être plus vites. Mais ils n’ont pas l’air de reculer puisque tous les jours ils continuent à nous bombarder et ils font de nouvelles victimes. M. Frérot de la rue de Beine a été tué. Pauvre femme, elle est aussi bien éprouvée ; elle n’a plus de nouvelles de son premier fils et son deuxième vient de s’engager. Tout le monde, je le vois, a sa peine plus ou moins grande. Mais si seulement j’étais chez nous. Je m’ennuie après ma maison. Je suis désespérée.

A toi toutes mes pensées. Je t’aime.

Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL

De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu'elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu'au 6 mai 1917 (avec une interruption d'un an). Poignant.(Alain Moyat)

Il est possible de commander le livre en ligne

Tag(s) : #Paul Hess, #Cardinal Luçon, #1914, #Paul Dupuy, #Juliette Breyer
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